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Autant en emporte la bulle

Publié le 29/09/2016

2016 est une année atypique. Comme atteints par les changements climatiques, les marchés ont vu leur saisonnalité inversée. Ce phénomène n’augure pas bien de leur évolution d’ici la fin de l’année.

Pourtant, les grands pays semblent émerger de la déflation, le grand risque des années post-crise de 2008. Avec des croissances nominales proches de 8% en Chine, de 3% aux États-Unis et de 2% en Europe, la baisse des prix et des volumes caractéristiques de ces périodes ne paraît plus d’actualité, à part peut-être dans quelques pays, comme le Japon. Alors c’est bien sûr vers un nouveau risque que les regards se tournent. Comme le choc sur les matières premières s’efface, les indices de prix se stabilisent au niveau et parfois au-dessus du niveau des taux, en fonction de leur maturité et leur notation. Cette situation est anormale, et est le fruit de la « répression financière » orchestrée par les banques centrales depuis des années.

Aujourd’hui, certains effets négatifs des politiques de QE, de QQE, de ZIRP ou de NIRP* commencent à apparaître, notamment pour les banques et les assureurs. Et depuis la rentrée, le discours des banquiers centraux s’est infléchi. La BCE n’a pas annoncé le prolongement de son QE et va même jusqu’à déclarer que l’inflation remontera à 1% dans les prochains mois. La BOJ annonce sa volonté de faire remonter les taux longs pour donner plus de pente à sa courbe des taux et vend une partie de ses « Treasuries ». La Banque de Chine retire des liquidités, laisse les taux monétaires remonter tout en vendant elle aussi ses « Treasuries ». La Fed a retenu son bras car elle a encore quelques doutes sur la remontée de l’inflation, mais elle est surtout prête à prendre le risque de son redémarrage plutôt que de voir l’économie chinoise lui prendre son rôle de leader mondial.  On arrive donc « grosso modo » à la fin d’un cycle global de politiques monétaires ultra-accommodantes qui ont généré et continuent de créer de montants de liquidités considérables. Autant en emporte la bulle !

Pour l’instant, cette règle du jeu des banquiers centraux a très bien convenu aux politiques. Les bénéfices des baisses de taux ont été énormes pour les gouvernements des grands pays. En Allemagne, cette année, l’économie atteint 120 milliards d’euros grâce aux taux négatifs, et on évoque le retour à un ratio dette/PIB proche de 60% à moyen terme.

Mais il y a un « Mais ». La donne politique mondiale est en plein changement. La tendance au morcellement débutée en 2008 reste fermement en place, comme en témoigne l’événement majeur de 2016 que fût le « Brexit ». Les « nouveaux » leaders ou candidats au changement sont les avocats farouches de « l’État Nation », bastion des valeurs conservatives. Une fois au pouvoir, les représentants de ces mouvements utiliseront sans hésiter et probablement avec succès les marges de manœuvres fiscales recréées ces dernières années. Ils s’assureront  également les services de banquiers centraux moins indépendants que leurs prédécesseurs.

Dès que l’on se place dans ce cadre, il apparaît clairement que les taux sont trop bas. En première analyse, il est donc justifié d’avoir un risque de taux faible. La remontée de l’inflation d’ici la fin d’année (entre +0.3 et +0.5% selon les pays) suffira à générer assez vite une tension, notamment sur les parties longues des courbes de taux. Ce faisant, les taux exerceront une pression sur les spreads, dans un épisode potentiellement similaire à celui du début d’année. Il paraît donc approprié d’avoir un risque de spread faible.

Dans ce contexte, la plus grande prudence est de mise sur les marchés de taux, car le risque de duration et de spread pourraient se cumuler. Taux Réels Européens, avec sa sensibilité négative, des taux de cash élevés et un risque de spread faible est positionné pour ce développement.

Ensuite, si les liquidités générées par les banques centrales restent aussi importantes, alors un mécanisme d’achat de valeurs refuges permettra aux taux de rebaisser, peut-être nettement.

Ou peut-être pas du tout, notamment si une nouvelle génération de dirigeants politiques arrive aux commandes de l’économie mondiale, et fait table rase des mécanismes complexes et fragiles qui ont permis de dépasser la « Grande Crise ».

  QE : quantitative easing QQE : qualitative and quantitative easing ZIRP : zéro interest rate policy NIRP: negative interest rate policy   Laurent Boudoin, Responsable des Investissements Achevé de rédiger le 28 septembre 2016